IRISH LEGEND …

Tous ceux qui aiment la mer et la respectent, aiment les trawlers avec leur poids rassurant, leur lenteur majestueuse et leur allure de professionnels.

Longtemps je fus un « voileux » méprisant, de face, les amateurs de bateaux à moteur mais les enviant secrètement de pouvoir s’offrir ces confortables navires où l’énergie jamais ne manque.

On dit qu’au près, à la voile, on fait deux fois la route, que l’on met trois fois le temps et qu’on a quatre fois la peine. Au moteur, dans un GB, rien de tout cela ! Sauf imprévu, qu’on soit vent debout, ou vent arrière, on sait à quelle heure on arrivera et on sait aussi qu’on arrivera à peine fatigué, qu’on n’aura pas eu froid, qu’on aura certes vu des embruns, mais qu’ils n’auront jamais mouillé que le pare-brise, le pont, mais pas le marin.

Voilà la vérité de la marine en GB. Une vérité qui m’est apparue de façon éclatante, jadis, un jour que je croisais en mer d’Irlande en rentrant d’une longue virée en Ecosse… Vent, pluie, embruns, nous étions deux sur le pont de mon Romanée, encapuchonnés dans nos vieux cirés Henri Lloyd rouges homard, transis de froid, vaguement nauséeux, les fesses humides et les pieds tremblotants dans nos bottes en caoutchouc !

Du crachin surgit soudain un majestueux navire blanc à clins, un gros GB, dont le skipper, en simple chemise de bucheron, debout dans l’encadrement de la porte latérale, sans doute en pantoufles de feutre nous a salués en levant bien haut, dans notre direction, sa moque de thé fumant.

Je n’avais pas trente ans et m’étais alors secrètement juré qu’un jour c’est moi qui aurais des pantoufles, une chemise de coton gratté et des bretelles ! Un jour…

Ce fut en 2015 quand j’appris que Makatea, gisant triste et abandonné le long du ponton visiteurs de Deauville, était à vendre. Je l’ai bien vite acheté car j’étais en concurrence avec une dame qui voulait, oh horreur, en faire un show-room pour de la layette. Anne fut (une fois n’est pas coutume) mise devant le fait accompli. Mais l’ayant visité elle rengracia aussitôt et depuis elle adore ce superbe bateau que je me flatte d’avoir fait revivre et qui nous a procuré des souvenirs inoubliables…en Ecosse, bien sûr, ne serait-ce que pour aller braver la mer d’Irlande et me mettre dans le sillage de ce lointain prédécesseur, puis dans l’Atlantique, et enfin, en Baltique où nous rêvons de retourner.

Axel Depondt – GB 49 MY – Deauville