[Histoire] La légende des Grands Banks depuis 1963… #Episode 1/3

How wooden GBs were built ? C’est un document Historique sur la construction des premiers Grands Banks en bois au le chantier American Marine à Hong Kong, il a été écrit en anglais par Shing Kong, fils de Joseph Kong, ancien ingenieur puis directeur de production du chantier de Hong Kong.  Ce reportage permet de garder en mémoire la légende des Grand Banks avec quelques photos inédites rassemblées par Shing Kong et Bob Smith (engineer of Lehman Ford).

 


L’histoire de Grand Banks commence il y a plus de 50 ans dans un endroit qui n’existe plus vraiment, de l’autre côté de la terre, à Hong Kong qui était à cette époque une colonie britannique dans le sud de la Chine.
Cette colonie se composait de l’île de Hong Kong et de la péninsule de Kowloon. La longue bande de terre qui sort de la péninsule de Kowloon est la piste de l’aéroport de Hong Kong.
A la gauche de la piste il y avait une petite ville appelée To Kwa Wan, là où la tradition des Grands Banks a commencé, dans une rue nommée Mok Cheong Street, à côté de l’Est Cotton Mills. A l’époque, il y avait une usine d’embouteillage de boissons gazeuses « Birley » gérée par le fondateur d’American Marine, Robert Newton qui, agé d’une cinquantaine d’année, a décidé de lancer son entreprise de construction de bateaux avec ses deux fils.

Il est amusant de constater qu’American Marine fait ses débuts sur Mok Cheong, car en chinois, Mok Cheong signifie « une usine qui travaille le bois » et comme nous le savons, toutes les productions au début du chantier étaient construites en bois.

Le chantier « American Marine » à Junk Bay dans la baie de Hong Kong sur la peninsule de Kowloon.

 

En 1956, Robert Newton et ses fils, John et Whit, installent leur premier chantier naval dans la baie de Hong Kong et par chance pour notre famille, ils embauchent un jeune ingénieur ambitieux, mon père Joseph Kong, qui n’avait aucune expérience précédente (Histoire de J.Kong #Episode 2/3). D’un apprenti apprenant à lire et à écrire l’anglais américain, et terminant ses études d’ingénieur maritime, il est devenu par la suite le directeur de l’usine. Ils commencent à construire des voiliers de course et des grands yachts à moteur, sur des plans Sparkman & Stevens, William Garden, Nat Herreshoff, Ray Hunt et d’autres, plus d’une centaine de bateaux pour 20 ou 30 des architectes marins les plus célèbres au monde. À cette époque, American Marine devient le troisième ou quatrième plus grand constructeur de bateaux de plaisance personnalisés au monde, avec des voiliers de course de renommée mondiale, des bateaux de pêche sportive moulés à froid, des catamarans et des bateaux de tourisme qui devaient passer les tests de la Lloyd’s et de l’ABS.

En 1963, le chantier commande à Kenneth Smith, un autre architecte naval bien connu, la conception d’un 36 pieds, un bateau de croisière à moteur diesel qui s’appelera « Spray ».

Spray était le prototype d’un futur succès… a suivi aussi juste après « Chantyman » construit en bois. Ce 34’ avait un carré plus volumineux, un pavois élevés et une carène aux lignes douces (pas des bouchains vifs), son dessin allait définitivement introduire le concept du trawler dans monde de la plaisance.

Un an plus tard, les Newtons abandonnent la construction de yachts sur mesure afin de se concentrer sur la production de la première d’une ligne de bateaux, qui sera connue sous la marque Grands Banks, Avec quelques changements, comme un plus grand carré et l’ajout d’un fly, son successeur le GB 36’ est devenu le premier concept de Trawler vendu dans le monde entier.

 

 

American Marine était célèbre pour la construction de bateaux sur mesure comme l’Admiralty 50’ ci-dessus ou encore le Sparkman & Stevens 40’… sur la dernière photo prise lors du lancement de ce dernier, on voit à gauche, mon père Joseph Kong, directeur de la production, au milieu, Robert Newton et à droite, M. et Mme Von Sydow, les propriétaires du bateau.

 

Le GB 36′ est un veritable succès ! Depuis 1965, 1,124 unités de GB 36’ ont été construites, d’abord en bois à Junk Bay, puis, à partir de 1974, en fibre de verre dans la nouvelle usine de Singapour (GB 36 #366).  Il n’est plus fabriqué à ce jour, en partie à cause de la demande du marché pour des bateaux plus grands, qui pour le chantier offrent de meilleurs profits. A partir de cette période, le style Grand Banks a été repris par une vingtaine de constructeurs sous des dizaines de noms, mais aucun ne pouvait prétendre à la qualité de la construction du chantier American Marine.

En 1965, suit simultanément le lancement du GB42 #001 pour une série d’environ 1.560 et qui sera mis à la retraite en 2005. Partout dans le monde, cette conception originale est reconnue comme la série Grand Banks Heritage, 40 ans après l’arrêt de la production, beaucoup de GB42 en bois naviguent encore sur toutes les mers du monde.

En 1968, American Marine lance une nouvelle usine à Singapour, où seront construits tout d’abord le GB 32 en bois, puis ensuite le GB 36. En 1973, American Marine fait le choix stratégique de passer toute la production des Grands Bancs bois 32, 36 et 42  à la fibre de verre, sans le dire à ses concessionnaires ni au public. Ainsi, tous les Grand Banks en fibre de verre ont été construits dans cette nouvelle usine.

Le chantier naval de Junk Bay à Honk Kong a continué à construire les plus grands Grand Banks et Alaskans en bois, comme le GB 48 lancé en 1973, qui a été un modèle rare car sa production s’est arrêtée en 1975 date à laquelle American Marine a fait faillite et a fermé définitivement le site.

Notons, qu’avec les GB32 (861 unités), GB36 (1124 unités), GB48 (64 unités), GB49 (125), le fameux GB42 (1560) à littéralement donné le nom de « trawler » à l’industrie nautique.

 

Notons qu’American Marine était dans les années 1970, une entreprise publique avec ses actions cotées à la bourse américaine. Lorsque la société américaine a malheureusement fait faillite, les banquiers qui ont repris le contrôle ont décidé de réorganiser l’entreprise en fermant Hong Kong et bien d’autres sites. Le choix a été fait de se réorganiser en une petite entreprise qui devait se concentrer sur le productions des Grands Bancs 32, 36 et 42 à Singapour avec une équipe beaucoup plus restreinte, dirigé Bob Livingston.

 

Reportage en images de la construction des Grand Banks sur le chantier d’American Marine à Junk Bay 

Voilà à quoi ressemblait l’intérieur du chantier naval. Soit plus de 1000 personnes dans les périodes les plus intenses qui travaillaient 6 jours par semaine (oui, ils travaillaient le samedi) et de 8h à 17h, où l’on n’entendait que le bruit constant du bois coupé par les scies à table. Whit Newton m’a dit qu’à son apogée entre 1969 et 1973, le chantier naval pouvait construire un Grand Banks 42 en bois, du début à la fin, en seulement 28 jours.  

C’est ainsi que la coque des Grand Banks 32, 36 et 42 en bois était construite – à l’envers. Une fois la coque terminée, elle est retournée à l’endroit, déplacée le long de la chaîne de montage où la superstructure a été construite. Vous pouvez clairement sur certaines photos voir le cadre en acier qui soutenait les nervures en bois de la coque, mais aussi les lignes blanches peintes sur le sol pour s’assurer que les nervures sont correctement espacées.
Remarquez qu’aucun de ces deux bateaux n’avait de quille dessus. Je suppose que « poser les côtés » ne sonne tout simplement pas aussi bien que poser la quille … mais poser les côtés était vraiment la première étape. Ensuite, toutes les membrures étaient reliées entre-elles par cette latte de bois qui formait le bouchain de la coque au niveau de la ligne de flottaison. Les ouvriers chinois du chantier naval appelaient cela le « tendon du dragon ». Ce n’est qu’après avoir relié toutes les nervures ensemble qu’ils ont posé la quille sur les nervures.
Notez les outils primitifs que les ouvriers avait à leur disposition : une équerre d’acier, une hache, un ciseau à bois. À la pointe de la technologie à cette époque !
Petite anecdote confirmée par Whit Newton : la raison pour laquelle les Grands Banks avaient des parquets était qu’ils devaient trouver un moyen d’utiliser tous les petits morceaux de bois qui restaient. À l’époque, la main-d’œuvre était bon marché et, par conséquent, nous avons de beaux parquets dans nos Grands Banks. Sans plaisanter, Whit me disait qu’il leur restait tellement de petits morceaux de teck que parfois lui et mon père les utilisaient pour le barbecue.
Suite de la saga Newton, American Marine, Grand Banks et Joseph Kong dans le prochain #Episode 2/3

 

Crédit photographique : Shing Kong et Bob Smith, the former sales engineer of Lehman Ford – Sources textes : Shing Kong & Robert M. Lane.