RECIT NAVIGATION UK ECOSSE « ROYAL TOUR » pour GRAND BANKS de 2000 MILLES en 3 MOIS

Récit navigation UK Ecosse d’Axel Depondt, Ambassadeur Manche Atllantique AGBM

MAKATEA, Grand Banks 49 MY

a parcouru lors de son « Royal Tour » une distance totale entre juin et septembre DE 2000 milles,                  avec une consommation d’environ 8000 litres et 211 heures moteur.

 

RIVAGES D’ECOSSE LA NATURE A L’ETAT BRUT

« J’ai adoré visité ce merveilleux et âpre pays et je rêve d’y retourner afin de pouvoir visiter les Hébrides et les lochs du nord. Et je ne connais pas, pour le faire, de bateaux plus appropriés que nos merveilleux Grand Banks. Le temps est changeant certes et les photos en témoignent, mais cela offre des lumières et des ciels à la Ruysdaël à faire rêver les photographes, une mer plate le plus souvent, et de mouillages innombrables, sauvages et, même en plein été, quasiment vides… Sans parler des oiseaux de mer, des phoques, des épaulards (rares il est vrai) et des dauphins (fréquents et puissants)… »

 

CARTE NAVIGATION ROYAL TOUR – 2000 MN en 3 mois

 

Secrètement désireux de revenir dans ce pays réputé humide et froid que j’avais, jeune homme, visité en été puis en hiver mais, avec le recul du temps, incapable de faire la différence entre les deux saisons j’ai voulu, une fois devenu l’heureux propriétaire de Makatea, affronter ce terrible pays avec un navire puissant, stable, chaud, en un mot : un navire « polaire ». Makatea est doté d’un chauffage central à mazout, avec partout, même dans les douches, des radiateurs à circulation d’eau. J’étais donc paré.

 

CARTE 1 ROYAL TOUR UK

 

Jusqu’à Land’s end (tout au bout de la Cornouaille anglaise) tout va bien pour peu que l’on ait eu une bonne météo pour traverser la Manche entre Cherbourg et Dartmouth. Bonne météo signifie absence de mer… mais pas forcément absence de brouillard. C’est ainsi que nous avons donc traversé deux fois le rail (montant puis descendant) dans la purée de pois et que bien qu’ayant de bons GPS, AIS, radar, nous (mon frère et moi) fûmes assez surpris en arrivant de découvrir que, devant l’étrave, les mouettes avaient pied !

Le soleil de juin finit par vaincre le fog et à le dissiper en écharpes cotonneuses rampant encore sur la Dart river, pour illuminer enfin cette petite ville que nous préférons à toute autre pour débarquer chez nos amis d’outre-manche. (1) (…)

La météo incertaine et pour tout dire menaçante nous incita à ne pas trop traîner si nous voulions franchir Land’s end et traverser le canal de Bristol sur une mer pas trop agitée. Quelques heures de repos (très relatif) au mouillage à Helford River (2) un peu trop encombré, avant de filer, via le Lizard (3) et Land’s end  vers la mer d’Irlande et l’estuaire de Milford Haven à plus de cent cinquante milles de là, et l’aventure, la vraie commençait !

 

 

Nous avons gardé un assez mauvais souvenir de la traversée du canal de Bristol car la mer de nord ouest hachée et courte, a fatigué l’équipage dont la moitié avait le cœur au bord des lèvres. Makatea filant ses 9 nœuds dans ces vagues abruptes fonçait dans des nuages d’embruns qui arrosaient jusqu’à son sillage.

L’arrivée dans un mouillage inconnu, de nuit, est toujours une aventure assez excitante. Et l’Angleterre ayant décidé de quitter l’Europe nous devenait presque hostile ! Mais il ne nous arriva rien et, rassurés, nous repartîmes le lendemain en direction de l’Ecosse, dont les habitants avaient en majorité voté pour le « remain ». Nous n’avions pas besoin de cette preuve d’attachement pour les trouver sympathiques.

Ah l’Ecosse ! Ses landes, ses moutons, ses whiskys, ses cornemuses, ses kilts et tartans, ses iles aux noms appétissants comme Rum, Isley, ses rugbymen, ses filles aux taches de son, ses châteaux, ses lochs, son haggis, et son passé français avec les Stuart définitivement défaits en 1746 à Culloden. Oublions cette triste boucherie où périrent tant de braves écossais et réhabilitons le Haggis, la célèbre « panse de brebis farcie » dont la fameuse farce se compose d’abats de mouton hachés (foie, poumons, cœur) mélangés avec des flocons d’avoine, de l’oignon, des épices et du sel, le tout bouilli dans une panse de brebis, servi avec de la purée de pommes de terre, de rutabaga ou de navets et enfin dégusté à l’aide d’un grand verre de whisky… pour en faire passer chaque bouchée.

C’est donc avec l’envie de rejoindre au plus vite cette si attirante région que nous quittâmes Milford Haven pour Holy Head (4), dernière étape avant notre premier port écossais : Stanraer ; Ni Holy Head ni Stanraer ne valent le détour, mais ce sont des ports ou des mouillages abrités et bien commodes pour ceux qui, comme moi, détestent naviguer de nuit.

Pour ceux qui souhaitent vite gagner le Nord de l’Ecosse il faut alors bifurquer vers l’ouest et franchir le « north Channel » qui mène directement vers les îles d’Islay et de Jura en contournant le terrible Mull of Kintyre où vent contre courant peuvent lever une mer horrible.

 

 

Ce n’est pas ce que nous fîmes : Désireux de nous rapprocher de l’estuaire de la Clyde et de Glasgow nous avons longé l’île d’Arran (5) en empruntant le Firth of Clyde (6) pour toucher enfin la marina d’Inverkip, ou Kip marina … où nous devions être rejoints par nos épouses dont l’une, redoutant le mal de mer lui préférait le mal de l’air. Le Firth of Clyde (7) est un lac, et le sont encore plus les autres firths qui mènent vers Tarbert (8, 9) et Crinan (10, 11) : Même quand le vent souffle fort, et Dieu sait si c’est fréquent, l’eau demeure lisse et la navigation facile. Les fonds sont profonds, les berges accores, parfois trop d’ailleurs, et l’eau est étrangement sombre. Quand le ciel est gris ou nuageux, le paysage est austère : le vert des forêts le noir rougeâtre de l’eau, et l’absence de présence humaine dans bien des lochs (comme le loch Riddon où nous avons passé la nuit), créent une ambiance qui serait sinistre si nous nous sentions en pays hostile. Or non seulement ce n’est pas le cas mais la population est accueillante et parfaitement civilisée même si, bien souvent, elle ne se compose que de moutons. Pour la communication linguistique la différence est mince : on ne les comprend ni les uns ni les autres, bien que les écossais soient, dit-on, anglophones, ce que ne sont évidemment pas leurs moutons qui ne comprennent que la langue des « bearded collies » les fameux chiens de berger écossais que l’on trouve à présent bien davantage à se prélasser dans les cottages qu’à courir derrière les moutons.

 

CARTE 2 ROYAL TOUR UK

 

 

L’enchantement commence dès la sortie de Kip marina, quel que soit le temps. Le temps idéal en Ecosse est le ciel de traîne, quand après une dépression au cours de laquelle il a plu toute la journée, et où, quand enfin le soleil glisse quelques rayons sur le coup de dix-neuf heures en allant irradier la façade du pub, ses habitués en sortent la chope de Guiness à la main en s’écriant en chœur : « Oh what a lovely evening ! ». On ne peut pas comprendre cet instant de bonheur si on n’a pas vécu toute sa vie au nord du 55ème parallèle. La beauté des ciels écossais rivalise avec ceux d’Irlande car ils ont pour cause les mêmes dépressions qui amènent au-dessus de leurs landes, de leurs lochs et de leurs montagnes les mêmes alternances rapides de soleil radieux et d’ombre menaçante. Les mêmes irisations pétillantes sur l’eau des lochs, les mêmes flamboiements d’orange pâle et de feu entre les nuages violets frangés de céladon, les mêmes éclaboussures de couleurs sur les façades des maisons des petits ports côtiers. L’émotion esthétique culmine avec la traversée de la péninsule de Kintyre, entre Ardrishaig et Crinan en empruntant l’étroit canal entrecoupé de multiples écluses (12) qui permet de rejoindre l’océan après avoir quitté le loch Gilp. L’émotion est d’abord causée par l’extraordinaire beauté du paysage traversé : le canal serpente dans une sorte de jardin d’Eden bordé de rhododendrons, de forêt aux essences variées et de landes sauvages balayées par les ombres portées par les nuages courant au-dessus de nos têtes. On peut comme nous le fîmes y passer la nuit. Loin de tout, bien au chaud dans notre carré. L’émotion est aussi causée par les manœuvres d’écluse qui sont le fait des équipages. Pas de machinerie : de longs bras faits d’énormes poutres de chêne qu’un enfant peut pousser, à condition d’avoir la sagesse d’attendre que les eaux soient parfaitement à la même hauteur de chaque côté de la porte. Mais attention aux vannes : On doit les ouvrir lentement au début pour que le flot libéré n’aille pas projeter les petits bateaux amarrés dans le fond de l’écluse sur les parois maçonnées de celle-ci. Pour l’avoir distraitement oublié après avoir été copieusement invectivés par une plaisancière anglaise qui sollicitait grossièrement notre aide alors que trois gaillards rigolaient à bord de son bateau, nous avons poussé sa colère à l’incandescence après que ses pare-battages, oublieux de leur raison d’être, aient laissé la coque de son esquif frotter durement contre le rude granite du bajoyer de l’écluse. Nous eûmes droit à une engueulade sévère « You fucking bastards ! you opened the wrong sluice ! ». Eh oui : on s’était trompés de vanne ! Il n’y pas qu’Albion qui est perfide.

La fin du canal est assez technique pour un bateau de seize mètres. Nous dûmes manœuvrer sous la pluie et dans le vent en évitant de nombreux bateaux décidés à passer la nuit dans le petit port de Crinan (12). Et je dois dire que, ce jour-là, les félicitations appuyées du maître de port me firent chaud au cœur. Mais une bonne part du mérite revient à cette superbe carène de notre GB et à ses deux gros Caterpillars qui sont tellement efficaces avec le couple des hélices que l’on peut tourner sur place dans un mouchoir de poche, même sans propulseur d’étrave ou de poupe.

De là et en eaux libres après cette promenade champêtre, nous avons lâché les chevaux et foncé vers le fond du loch Craignish (13) pour arriver de jour dans la marina d’Ardfern, où, sans doute en raison de sa localisation, les places étaient assez rares.

 

Le lendemain, désireux de rejoindre Oba ’où nous devions laisser Makatea pour rejoindre Glasgow et la France nous avons avons fait cap au Sud pour affronter les tourbillons du Dorus Mor, fameux pour ses courants vicieux et son redoutable clapot, ainsi que, plus au nord, l’étroit chenal du Cuan sound et ses gros tourbillons. Mais, soit que les instructions nautiques aient été faites pour de petits voiliers dépourvus de moteur auxiliaire, soit que nous ayons eu de la chance, nous ne rencontrâmes que des « marmites » certes impressionnantes et quelque clapot, mais rien de bien méchant.

Sur le chemin (14) j’ai voulu revoir le loch Spelve (dans l’ile de Mull) accessible par un étroit goulet franchissable à toute heure mais de préférence à l’étale de PM, vaste lac d’eau salée, entouré de collines et de landes, presque désert, où nous avons mouillé l’ancre le temps de déjeuner et en surveillant la marée pour pouvoir sortir avec le jusant. En effet l’entrée est très étroite et le courant peut y atteindre 10 nœuds. Autant dire qu’il vaut mieux attendre l’étale surtout quand les coefficients, et le vent, sont forts. L’endroit est magique, sous le soleil, comme ce fut le cas ce jour de juillet.

Enfin, il a fallu rejoindre Oban, charmante petite ville côtière, assez animée et pas trop mal desservie par des services de cars. Le temps plus qu’incertain, et franchement frais m’a conduit dans une boutique où, outre une sorte de gros barbour molletonné que j’use à présent en Normandie, j’ai été furieusement tenté de m’offrir un kilt somptueux, dont la laine semblait si chaude que l’on comprend la légende qui veut que l’on y puisse se passer de caleçon. Mais c’est une légende, et les écossais ne sont pas faits comme nous. Je ne parle bien sûr que de l’épaisseur de leur peau : Ils sont encore en T-shirt quand nous sommes en pull sous une polaire et un ciré.

Plus, sous ces latitudes, on avance en saison, plus le risque de mauvais temps est élevé. Nous ne fûmes pas déçus. Mais entre les dépressions il arrive qu’il fasse beau. Attendu que le bonheur est chose relative : ces moments ensoleillés laissent des souvenirs intenses et inoubliables que nous envient les méditerranéens qui ne connaissent ni la pluie ni les froidures ! Ah mais !

D’Oban (16) et avec épouse et fille (15), cette fois, nous avons filé vers le loch Aline à quatorze milles d’Oban, ravissant petit loch qui s’ouvre sur la rive nord du sound of Mull (17, 18, 19). Nous y avons pique-niqué avant de repartir en direction du port de Tobermory (20, 21, 22) qui se trouve au nord de cette île et qui est un haut lieu touristique. Mais gardons notre calme, ce n’est pas Saint Tropez ni Biarritz et même pas Deauville. Les chats de Tobermory sont célèbres (localement) car ils sont roux et, ce qui est plus original : gros et pacifiques car bien nourris par les reliefs des restaurants, ils se laissent photographier comme des vedettes de cinéma. La rousseur est d’ailleurs une caractéristique de l’Ecosse : bœufs angus roux et poilus, chats roux et poilus, filles et garçons roux, mais pour autant que je sache, peu poilus.

 

 

A Tobermory le soir, à l’heure où tombe le vent et où se déguste le whisky, un indigène debout sur le roof de son petit voilier en bois nous régala d’airs écossais célèbres à commencer par l’hymne national (flowers of Scotland) et bien sûr du célébrissime « Amazing grace »… frissons garantis sur le port, calme et respectueux. Il parait que la cornemuse est le plus sonore de tous les instruments de musique, je confirme. (Non, la vuvuzela pas plus que l’alpenhorn ne sont des instruments de musique). A Tobermory enfin nous nous sommes préparés pour la suite du voyage vers le Nord. Il existe en effet une sorte de cap légendaire (pour les plaisanciers écossais) à franchir pour entrer dans la partie réputée la plus sauvage et la plus authentique de l’Ecosse du nord, celle qui est réservée  aux authentiques aventuriers qui sont censés en revenir transfigurés par les épreuves et que les autochtones regardent, au moins, comme des cap-horniers. 

Il s’agit du cap Ardnamurchan (23). Le fait est que la faune, le temps, la flore, les habitants aussi peut-être y sont un peu plus âpres que dans le Sud. En tout cas nous avons franchi ce raz sans la moindre difficulté et sans y croiser les orques qui y viennent souvent, dit-on. Toujours avec les excellentes instructions nautiques du Clyde Cruising club que nous avions prudemment acquises et étudiées bien avant de quitter la France, nous nous sommes aventurés, en avant et du « petit piston », dans le dédale de roches qui pave l’entrée du loch Moidart (24,25) Il est peu profond mais bien abrité. Presque au fond du loch, nous avons jeté l’ancre dans un site somptueux 42 et je dois dire un peu intimidant, comme souvent en Ecosse, avec la vieille forteresse en ruine plantée sur un îlot rocheux, Raka (29), entouré de goémon jaunâtre et habitée par des corneilles méfiantes qui regardaient de travers notre accostage maladroit sur LEUR île.

 

CARTE 3 ROYAL TOUR ECOSSE

 

C’est à l’entrée de ce loch que nous sommes allés rencontrer nos premiers pinnipèdes : de gros phoques laineux (30, 31) couleur café au lait qui se prélassaient à quelques mètres de notre annexe dont ils avaient au moins la taille, dans l’eau et le ventre à l’air et presque indifférents à notre présence curieuse. Profitant du temps encore beau (Attention « beau » signifie juste qu’il y a moins de vingt nœuds de vent et pas de vagues, mais le ciel peut-être gris, ou au mieux, très nuageux 26, 27,28) j’ai voulu gagner une sorte de micro loch dénommé Scaveig où j’étais venu jeune homme, avec mon Romanée de 10 mètres, passer deux nuits. J’en avais gardé un souvenir ému. L’entrée est étroite et sinueuse, le plan d’eau m’a semblé bien plus petit que dans mes souvenirs : la faute à la taille du bateau qui n’était pas la même et à des vents catabatiques qui tombaient en tourbillons des montagnes avoisinantes en faisant tourner Makatéa sur son ancre comme une toupie. Les coordonnées géodésiques de ce micro-loch m’avaient été données jadis par un plaisancier écossais après que je lui eus fait découvrir le cassoulet de Castelnaudary, arrosé d’un « petit verdot » sur cale qui emporta son consentement. Hélas l’adresse est aujourd’hui connue et l’endroit assez fréquenté.

 

 

Bref, tant pis pour Scaveig, nous le quittâmes sous le regard indifférent de dizaines de gros phoques montant la garde à l’entrée du loch (32), pour aller plus à l’Est et toujours le long de l’ile de Skye (33), dans le loch Salpin (34,35). Là encore un fort vent de Nord balayait le mouillage rendant l’accrochage de l’ancre sur un fond de gravier un peu instable, difficile. Trop de vent pour mettre l’annexe à l’eau et visiter le tout petit village. Nous restons donc sagement à bord en surveillant en permanence mes alignements. Le lendemain, le vent s’est un peu calmé et nous allons sur le « continent » dans le port de Mallaig, point de départ pour les ferries pour Skye (36). (Il existe à présent un pont qui relie Skye au « Mainland », mais il est nettement plus au nord). Coup de vent force 10 annoncé : nous restons sagement au port (un peu encombré…et pour cause !) et allons, sous la pluie, récupérer ma fille et ma petite fille à la gare où arrive le train à vapeur de Harry Potter (37). Elles découvrent ce pays froid, humide, lointain, et sont accueillies, dans le port, par un phoque, gros et gras, qui les regarde en mâchouillant une énorme anguille ou un congre qui, à la toute dernière extrémité, se tortille en vain autour du museau de l’animal goguenard. Nous laissons passer la tempête puis, le surlendemain, profitons d’une accalmie pour contourner Skye par le Nord en empruntant l’étroit chenal (Kyle Rhea) qui la sépare du continent et qui, en seconde partie de flot (lequel porte au Nord) est parcouru de courants qui atteignent quatre à cinq nœuds.

 

 

On découvre alors le loch Alsh (38), on va vers le célébrissime château d’Eileen Donan (39) sur sa presqu’ile à l’entrée du loch Duich (40). Puis on s’enfonce entre les noires montagnes qui bordent ce loch jusqu’au petit loch Beg, tout au fond, où on peut mouiller sur fond de sable et de galets. L’endroit est désert et venteux, mais majestueux et les éclairages sont grandioses : on s’attend à voir surgir un tigre à dents de sabre ou un tyrannosaure. Promenade à terre pour profiter d’une belle éclaircie : ravissante petite église, cimetière marin (41), landes, et des moutons pour seuls habitants. Pendant la nuit le vent souffle très fort. La chaîne de l’ancre tendue comme une barre râcle le fond du loch et renvoie un bruit métallique dans la cabine avant … mais rien ne lâche, il fait bon dans le bateau et la promenade de l’après-midi a fait que tout le monde dort du sommeil du juste.

Il y a tant à voir dans ce pays âpre et même sauvage par endroits, que nous levons l’ancre dès le lendemain pour filer vers le nord-est et rejoindre le loch Carron. Au risque de dégouter le lecteur je me dois de préciser que le vent n’était pas complètement tombé et que le ciel charriait encore bien des nuages de mauvais augure (42).

 

 

Mais notre arrivée dans le fond du loch Carron (43, 44,45,46) devant le village de Plockton (47) se fit sous le soleil. Nous avons aussitôt débarqué. C’est vraiment un joli petit village qui ne se compose que d’une seule rue bordée de petites maisons de couleur, d’un étage et couvertes en ardoises comme partout en Ecosse, mais derrière lesquelles se trouve un jardinet en pente, adossé à la colline qui protège le village des forts vents d’ouest et du froid. Entre la rue et la mer chaque maison a un petit jardin où poussent toutes sortes de fleurs et la rue est bordée d’arbres qui me font penser aux dragonniers des canaries : même touffes de palmes au bout de branches un peu noueuses… sauf que le climat n’est pas du tout le même ! Nous souhaitions diner au restaurant, mais en vain : tous étaient pleins. Nous nous sommes rabattus sur un fish and chips et avons rapporté notre diner à bord : l’annexe est si rapide que le poisson n’avait pas eu le temps de refroidir ! Nous avons passé une excellente nuit amarrés à un gros corps mort rassurant.

 

 

Le temps s’est à nouveau gâté : l’accalmie a été de courte durée ! Nous sommes arrivés à Portree qui est le port de Skye (48, 49) en début d’après-midi, alors qu’il n’a pratiquement pas cessé de pleuvoir pendant le trajet. En arrivant la pluie a redoublé. A terre, bien qu’équipés, nous avons été copieusement- mouillés. Skye est le seul endroit au monde où la pluie est si insistante que même un ciré de marin finit par abdiquer !

 

CARTE 4 ROYAL TOUR ECOSSE

 

Pour faire bonne mesure sachez que les restaurants ne prenant pas de réservations, tout le monde s’y rue à l’ouverture (à 18 heures), que l’on y fait la queue sous la pluie, que le service en est ralenti et les serveurs à peine gentils ! Après avoir dévoré notre énième fish and chips, risqué un formidable Haggis arrosé de lampées de Tallisker et dit nos prières en agitant en cadence notre bâton de pluie transformé en bâton de soleil après avoir été méticuleusement vidé de tous ses grains de riz nous sommes allés dormir en rêvant de croisières méditerranéennes.

 

 

A cet endroit notre croisière atteignit son extrémité Nord,

il fallut songer à rentrer et faire le chemin inverse en luttant, allez savoir pourquoi, contre le courant qui voulait, parfois à toute force, nous mener vers les Hébrides que le mauvais temps nous avait interdites (prononcer Hebeudizz svp) slalomer entre les dépressions, visiter le sombre Loch Hourn (50) où une lumière d’apocalypse incendia la mer pendant quelques minutes en début de journée du lendemain. Rendre visite à la marina de Craobh Haven (51) (ça ne se prononce pas du tout comme c’est écrit, évidemment) et rêver devant un énorme Nordhavn de 60 pieds flambant neuf. Faire escale à Arishaig (52, 53) (hors de question de naviguer de nuit dans ces eaux parcourues de courants puissants et souvent mal pavées). Marquer le pas devant Ardnamurchan (54), nous précipiter, bien plus tard  vers le mull of Kintyre (55) avec une brève escale à Gigha pour profiter d’une belle accalmie et remonter brièvement vers Campbelltown (55), l’ile d’Arran (56, 57) et Inverkip pour changer d’équipage et revenir, par Bangor (port de Belfast)  puis Dun Loaghaire (prononcer donne Liri svp ) port de  Dublin, Milford Haven, les Scilly (en français « les Sorlingues »), la Manche enfin avec des escales à la marina de Pendennis à Falmouth (58), Fowey, Plymouth, Dartmouth, Guernesey, Jersey, Cherbourg et enfin Deauville.

 

 

« Parti en Juin, Makatéa retrouva son bout de ponton dans le bassin Morny à Deauville fin septembre sans autre avarie qu’une boite de vis et de boulons tombée dans la cale, puis dans le puisard où officie la pompe automatique dont le rotor ainsi bloqué a provoqué l’échauffement de son moteur qui est tombé en panne. Heureusement ls presse étoupe ne fuient que d’une goutte à la minute ce qui laisse bien assez de temps avant que l’eau monte dans la cale. Mais vu le temps que m’a pris l’enlèvement de toutes les vis, de tous les boulons et de toutes les rondelles accumulées dans le puisard rempli d’un magma de saletés, d’huile et de gazole, le remplacement de la pompe fichue, je me suis promis d’enfermer ces satanées bouts de métal dans des boites bien fermées et surtout bien arrimées. Bon à savoir : Les pompes de cale ne meurent presque jamais de vieillesse mais plus souvent d’une thrombose métallique ! ».

 

Makatea a parcouru une distance totale entre juin et septembre : 2000 milles, avec une consommation d’environ 8000 litres. Et 211 heures moteur. Dans les eaux très calmes de l’Ecosse la consommation baisse beaucoup, en revanche dans une mer formée c’est une autre affaire. On passe facilement de 15 litres heure (voire moins) à 23 litres heure… par moteur, bien sûr.